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  • 25/12/2021

  • 25/12/2021

Homélie de la nuit de Noël 2021

Père Benoît Grière, Supérieur Général

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Chers Frères et chères Sœurs,

Depuis quelques semaines, les illuminations ont jailli dans nos villes. La fièvre des achats, dans notre civilisation du commerce et du profit, incite les boutiquiers à trouver des lumières scintillantes pour attirer le chaland afin qu’il sacrifie à l’autel de la consommation. Nous autres chrétiens, nous avons aussi contribué à l’éclairage festif : guirlandes, sapins, et surtout couronne d’avent avec ses quatre cierges. Alors que les jours sont les plus courts de l’année et que le soleil est peu présent, nous compensons le manque de lumière naturelle par nos pauvres éclairages éphémères. Nous manifestons à travers ces décorations lumineuses que nous attendons la vraie lumière.

Cette nuit, c’est une toute autre lumière que nous célébrons. La lumière du Christ, la lumière éternelle de Dieu qui vient chasser les ténèbres et l’obscurité de nos vies terrestres marquées par le péché et par la mort.

Le prophète Isaïe annonçait cette lumière qui envahit tout l’univers de sa clarté bienfaisante : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. » Israël attendait sa délivrance et son messie et la lumière tant espérée était le gage de l’amour de Dieu pour son peuple.

Peut-être sommes-nous encore dans les ténèbres au terme de cette année 2021. Celle-ci a été marquée par des événements douloureux : la pandémie du COVID et son cortège de victimes, la crise climatique, les millions de réfugiés et de migrants à travers notre terre, les massacres qui sévissent dans de nombreux pays, les guerres. Et au cœur de l’Église une grande meurtrissure s’étale avec les révélations infinies sur les abus commis envers les personnes mineures et vulnérables. Les ténèbres nous envahissent et nous crions vers le Ciel pour implorer la venue d’un règne de paix et de lumière.
Au temps de la naissance de Jésus, les ténèbres étaient aussi fortes qu’aujourd’hui. La terre de Jésus était occupée par les Romains et la misère du peuple était grande. Marie enceinte et Joseph ont été refoulés des hôtelleries dont ils sollicitaient l’accueil, comme les migrants qui traversent la Méditerranée le sont aujourd’hui. Dans la campagne de Bethléem où ils étaient, « il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. » Encore une lumière qui se manifeste pour annoncer la venue du Sauveur. Une lumière enveloppante qui permet d’être saisi par Dieu et par son amour débordant. Comme lors de la Création, le Seigneur dit et la lumière fut : « “Que la lumière brille !” Et la lumière se met à briller. » Gn 1,3

Cette nuit encore, la lumière amoureuse nous entoure si nous savons voir avec les yeux du cœur. La crèche qui est devant nous est une réalité insignifiante : une femme, un homme, un bébé. Un endroit perdu de la Judée, une histoire ancienne qui ne dit pas grand-chose à nos contemporains. Et pourtant, c’est bien grâce à cette lumière que le monde résiste aux ténèbres qui l’entourent.

Dans la foi catholique, nous parlons de la lumière, mais faisons-nous attention au mystère de cette lumière ? Le credo nous fait dire que nous croyons en Dieu père et au Fils qui est « lumière né de la lumière ». Comment pouvons-nous comprendre aujourd’hui de quoi il s’agit ? Dans le dernier numéro du magazine du week-end du journal « La Croix » le philologue et historien Carlo Ossola parle de Noël et de sa lumière. Il rappelle que « c’est par la lumière que nous distinguons les choses ». Oui, la lumière nous aide à discerner le bon, le vrai, le beau du mal, du faux et du laid. Sans elle, il n’y a qu’un mélange indistinct et une confusion de la réalité. La lumière est le principe qui nous permet de vivre dans la vérité. Jésus est cette lumière éternelle car elle dévoile aux yeux des hommes l’amour profond qu’a le Père pour tous. Jésus a dit qu’il était la « lumière du monde ». Comme le dit l’évangile selon Jean que nous entendrons demain matin : « Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. » Jean le Baptiste rendait témoignage à la lumière mais il n’était pas la lumière. Jean le Baptiste était ce que l’on appelle chez les scouts ou dans l’armée un éclaireur, c’est-à-dire une personne qui est en avant sur le chemin pour l’ouvrir et faire avancer les troupes sur la bonne route.

Jésus est lumière née de la lumière. Nous ne sommes pas nous-mêmes la lumière mais nous avons reçu le jour de notre baptême la présence de Dieu en nous. Dans ce monde complexe qu’il faut pourtant aimer malgré tout, nous avons à être des éclaireurs. Pas des lumières, mais des personnes qui portent la bonne nouvelle que la lumière arrive.

Un psaume dit (36, 9) « par ta lumière nous voyons la lumière ». Dieu est notre seule source de lumière éternelle. Il vient dans nos cœurs transformer ce qui est atteint par le mal et nous ouvre à la grande clarté. Il y a le mystère du mal. Comme l’écrivait le génial romancier français, Georges Bernanos, il y a « le soleil de Satan ». Une fausse lumière qui enténèbre et obscurcit le cœur des hommes et les pousse à pécher. C’est « l’affreux soleil noir d’où rayonne la nuit », comme l’écrit Victor Hugo dans ses Contemplations. Le Mauvais a pu croire un instant qu’il avait triomphé de la lumière. Dans l’évangile de Luc au moment de la crucifixion, « C’était déjà environ la sixième heure ; l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure, car le soleil s’était caché. » (Luc 23, 44-45) Cette scène fait comme le pendant inversé de la nuit de Noël. A Noël, il fait nuit et la lumière brille. Le vendredi saint, il fait jour et c’est l’obscurité qui règne. Quel contraste ! Et pourtant, Dieu a vaincu la mort et le mal.

Noël, Jésus est présent et les ténèbres s’éloignent. Cherchons à placer la lumière au fond de nos cœur pour devenir des éclaireurs du Christ sur la route des hommes. Nous avons cette capacité de tenir une lampe allumée. La lumière intérieure se recharge avec l’amour que Dieu ne cesse de donner aux hommes ses bien-aimés. Entendons pour conclure l’appel de l’apôtre Paul : « Autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière ; conduisez-vous comme des enfants de lumière »

Amen !