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Homélie du 21 novembre 2022
Père Benoît GRIÈRE a.a Supérieur général
Rome
Il y a 142 ans mourait le père Emmanuel d’Alzon. Les forces de l’ordre étaient là en train de crocheter les portes du collège de l’Assomption à Nîmes. Usé par de nombreuses années de travail, fatigué par les soucis accumulés, il rendait son âme à Dieu entouré par l’affection de ses frères de congrégation. La famille de l’Assomption était présente comme nous le sommes ce soir autour de la table de la Parole et du Corps du Christ.
Nous aimons parler de la famille de l’Assomption et plus généralement nous aimons nos familles humaines. Nos frères originaires d’Afrique nous ont appris à avoir une vision large de la famille. Elle ne se limite pas aux parents proches, mais elle englobe largement les relations de proximité, voire celles plus lointaines.
Jésus aujourd’hui dans son évangile nous apprend à entrer dans la famille de Dieu. Sommes-nous bien conscients des exigences de cette appartenance ?
Jésus est là qui parle aux foules nous dit-on. Il est donc plongé dans la multitude des personnes qui sont venus l’écouter. Attentifs ou curieux, les hommes, les femmes, peut-être même les enfants, sont là pour entendre ce que le Seigneur dit.
Un mouvement se dessine dans la foule : Marie et les frères de Jésus s’approchent et cherchent à lui parler. Ils ne sont pas venus pour écouter, mais pour parler. Nous pouvons imaginer ce qu’ils avaient envie de lui dire. Peut-être voulaient-ils l’inviter à la prudence, voire même à se taire ? L’intervention de Jésus est cinglante. Il montre ses disciples et dit : « voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère ».
J’essaie de me mettre à la place de la famille de Jésus et je me dis qu’il y a là une parole violente mais nécessaire. Ceux qui lui sont liés par le sang sont ramenés au rang de la foule. L’appartenance à la famille de Dieu, donc celle de Jésus, se fait uniquement par l’écoute de la Parole et l’obéissance à la volonté du Père »
Pourquoi les frères et sœurs de Jésus n’avaient-ils pas compris cela ? Je crois qu’ils sont comme nous sommes aujourd’hui, aveugles à la présence du Seigneur et sourds à son enseignement.
Dans la Bible abondent les exemples où Dieu se fait proche des hommes, mais où ceux-ci sont dans l’incapacité de le voir. Ils sont pris par d’autres choses et oublient de regarder le monde tel qu’il est. Je pense à Jacob par exemple. C’est dans le livre de la Genèse au chapitre 28. Jacob vient de quitter Bershéba et part pour Harane. Il est fatigué et il se repose et dans son sommeil fait un rêve. Quand il se réveille après son songe, il dit ceci : « En vérité, le Seigneur est en ce lieu ! Et moi, je ne le savais pas. » En souvenir de ce rêve, l’endroit sera appelé par Jacob Béthel, c’est-à-dire « Maison de Dieu ». La maison, c’est bien là où habite la famille. C’est là où nous sommes appelés à être heureux pour l’éternité.
Un autre passage que nous avons lu récemment dans la liturgie, c’est l’épisode où Jésus pleure sur Jérusalem (Lc 19,44). Jésus dit « tu n’as pas reconnu le moment où Dieu te visitait ». Nos vies sont ainsi faites frères et sœurs que nous avons du mal à discerner la présence de Dieu, la présence du Christ et de l’Esprit dans nos réalités quotidiennes.
Pour entrer dans la famille de Dieu, il nous est demandé de reconnaître le Christ présent parmi nous. Il est là et nous sommes sûrs que nous pouvons le dévoiler à travers nos rencontres. Emmanuel d’Alzon aimait parler de l’Assomption comme une « petite famille ». Mais pour lui, cette famille était constituée d’abord par la volonté d’étendre le Règne de Dieu, c’est-à-dire de faire la volonté du Père. Pour cela il nous demande de connaître le Christ, d’aimer le Christ et d’imiter le Christ.
Lors de la crucifixion, la foule étaient absente. Il y avait les deux larrons mais l’évangéliste dit qu’il y avait aussi Marie. Cette fois avec les autres femmes et saint Jean, elle était là pour voir son fils. Il y a alors cette belle parole entendue au pied la croix : « femme voici ton fils, homme voici ta mère ». Frères et sœurs pour entrer dans la famille de Jésus, il faut être au pied de la croix. Il ne faut pas chercher bien loin les croix où le Christ souffre sa passion aujourd’hui. Ce sont les guerres, les massacres au Kivu, en Syrie, en Ukraine partout où les hommes et les femmes sont livrés à la violence des puissants. La croix, c’est aussi le cri de tous les pauvres et les affamés de notre temps.
Pour entrer dans la famille de Dieu, écoutons tous ces cris et travaillons pour le Royaume.
D’Alzon, comme Marie-Eugénie, Marie Corenson, Antoinette Fage, ont entendu le cri des hommes. Soyons à l’écoute de Jésus, soyons à l’écoute du monde.
Père Benoît GRIÈRE a.a, Supérieur général